dimanche 19 novembre 2017

Le livre des Actes des apôtres n'est pas la vie normale de l'église.

Dans un mouvement d'enthousiasme et de nostalgie, on entend parfois dire que le livre des Actes, dans la Bible, représente ou exprime la vie normale de l'Eglise, ce que devrait être la vie de l'église, ce que nous devrions retrouver aujourd'hui. J'aimerais expliquer pourquoi ce n'est pas le cas, ce que nous confondons, les jougs que génère cette conception sur les coeurs et au contraire ce que nous devrions espérer, plus en conformité avec ce que les apôtres qui ont vécu les Actes ont enseigné. 

Il me semble que Watchman Nee a bien compris cela et je conseille encore la lecture de son livre "La vie normale de l'Eglise" qui nous éclaire sur le sujet. Il enseigne un point important dont nous devrions avoir conscience : la différence entre l'oeuvre et l'église. En prétendant que le livre des Actes est la vie normale de l'Eglise, nous confondons l'oeuvre et l'Eglise. Qu'est-ce que l'oeuvre ? Ce n'est pas la vie de l'église, ce n'est pas la vie quotidienne de l'ensemble de la communauté (le terme "Ekklésia" en grec signifie "communauté" et non pas "église". "Eglise" n'est pas une traduction du terme grec mais une transcription. Voir mon article sur les mots non-traduits du grec au français). L'oeuvre, c'est un travail particulier opéré par des personnes précises, conduites par l'Esprit de Dieu pour un fruit spécifique dans un temps donné. Ce n'est pas ce que vivent tous les membres de toutes les communautés d'une manière générale. Comme il est écrit dans le livre des Actes : "Mettez-moi à part et Barnabas et Schaoul pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelé." Actes 13;3. S'ensuit le récit de leur première mission, puis leur séparation puis les autres voyages de Schaoul de Tarse appelé "Le petit" (Paul). 

Le livre des Actes ne nous parle pas de la vie normale des églises de cette période de l'histoire mais de l'oeuvre des apôtres, et encore, de quelques uns seulement. Essentiellement Pierre, Jean et Paul, ainsi que Philippe, Barnabas. Le livre des Actes ne nous raconte pas ce qu'on vécu les 9 autres disciples choisit par Jésus dans les évangiles (Matthieu, André, Barthélémy, Thomas...) et ne nous décrit pas le quotidien des différentes communautés indépendamment de ce qu'y ont vécu les apôtres cités. Il y a une différence entre l'oeuvre et l'église (la communauté). Confondre les deux c'est ne pas discerner comment Dieu conduit et travaille pour le développement de l'évangile, pour l'accroissement de son peuple, pour l'accomplissement de son dessein. C'est aussi mettre un joug, un fardeau sur des frères et soeurs, un fardeau d'Homme, une exigence inutile qui n'est pas celle du Seigneur. Nous ne devons pas confondre la vie de l'église et les ministères (je rappelle comme je l'ai écrit dans mon livret "Le besoin de réforme de l'Eglise aujourd'hui", que les pasteurs évangéliques, les pasteurs protestants et les prêtres catholiques, ne sont pas les ministères dont parle Schaoul dans Ephésiens 4;11 mais des chefs religieux dans un système de fonctionnement qui ne correspond pas au modèle biblique). 

Le danger de cette conception erronée selon laquelle le livre des Actes est la vie normale de l'église, est un aveuglement qui conduit à attendre que les gens fassent ce que Dieu n'attend pas d'eux. Cela met un joug sur les chrétiens, une exigence de stature et d'actions que la plupart ne peuvent porter, avec l'accusation et la culpabilité qui accompagne cette exigence en cas d'échec. Tout est alors faussé. Une oeuvre doit être faite par les personnes que l'Esprit appelle clairement et spécifiquement pour cela. Si vous sentez cette exigence peser sur vos coeurs, cette culpabilité de ne pas faire ce qu'il faut, dégagez-vous de cela, vous n'êtes pas en cause. 

Mais alors, cela signifie-t-il que miracles, guérisons et conversions sont fini ? terminé ? D'un autre âge ? Mais non, pas du tout ! Loin de là. Dieu est vivant, Jésus est venu sauver, guérir, délivrer. Mais il n'est pas venu mettre des jougs inappropriés sur tout le monde. Retrouvons une vision saine, juste et équilibrée. Dieu agit, Dieu bénit, oui, mais ne confondons pas l'oeuvre et la vie de la communauté. Chacun doit grandir à son rythme, beaucoup ont avant tout besoin de guérison, d'être reconstruit, fortifié, soutenu, encouragé, aidé, accompagné doucement et paisiblement. 

En quoi consiste cette vie de l'église si elle n'est pas l'oeuvre ? J'affirme bien que Dieu n'a pas fini de faire des miracles et des guérisons et pas seulement au travers de personnes consacrées à une oeuvre mais l'obsession du sensationnel, du spectaculaire, du miracle, de ce qui frappe les oreilles et les regards, est très présente dans les milieux évangéliques et charismatiques, comme une sorte de but à atteindre ou d'obligation à vivre. Cela ne correspond pas à ce qu'enseignaient les apôtres aux communautées naissantes. Regardez ce qu'enseignent les apôtres comme Paul dans ses lettres, faites une liste des sujets qu'il aborde et des recommandations qu'il adresse. Il est avant tout centré sur Christ. Encourage-t-il à faire des miracles ? à évangéliser ? à sortir dans les rues pour prêcher et prier pour les gens ? Je ne crois pas. Que conseille-t-il alors ? De vivre en paix, de croître dans la douceur, la bonté, l'amour, de s'occuper des plus faibles, de porter les fardeaux des autres, d'exercer l'hospitalité... Ce qui n'exclut pas de prier pour les malades et de parler de l'évangile mais sans l'esprit de productivité et de rendement de notre époque. Tous ne sont pas évangélistes, tous ne sont pas une main, tous ne sont pas un oeil.  Etre témoin de Christ ce n'est pas être évangéliste, ce n'est pas être actif ni excité, ce n'est pas faire du prosélytisme pour remplir des réunions, c'est vivre une autre vie et la manifester dans notre quotidien par nos comportements, nos réactions, nos choix, dans la famille, au travail, dans nos communications, dans ce qu'on entreprend. C'est avant tout aimer, bien plus que faire des miracles.

L'église de Christ est en croissance, elle grandit, doucement. Le seul standard, c'est la vie de Christ, la vie divine parfaite. Ce standard, c'est l'aboutissement de notre vie, c'est le but de Dieu dans sa création. Ne confondons pas l'aboutissement et le cheminement. Cette vie grandit en nous, lentement. Elle nous guérit, elle nous transforme, elle nous sauve. Nous marchons par la foi en ce qu'il a accompli à la croix et Lui fait son oeuvre dans l'Homme. C'est un cheminement. Le livre des Actes n'est pas un standard à vivre maintenant. C'est le témoignage de ce quelques hommes ont vécu à un moment donné de l'histoire, quelques hommes qui avaient une mission particulière à accomplir, un appel précis, une révélation précise à communiquer.

Didier Millotte
Voici une conférence très pertinente de Segre Tarassenko en lien avec ce sujet : 
http://www.unbleuciel.org/tarassenko/mp3/35-1.mp3

mardi 14 novembre 2017

Pharisiens, Sadducéens, Esséniens.

Quand on étudie de près les mouvements de l'époque de Jésus en Israël et en particulier à Jérusalem, les Pharisiens, les Sadducéens, les Esséniens, ont voit bien une notion d'apostasie, d'abandon de ce qui est juste, de ce qui est conforme au dessein de Dieu, de ce que Dieu a instauré sous Moise puis David puis Salomon. Les saducéens dominaient le Temple de Jérusalem qui était sensé rester le lieu saint, la présence de Dieu, la fidélité à la Torah. Ils le dominaient en ayant les postes clés de gestion du Temple, des sacrifices, de récoltes des dîmes, ils le dirigeaient en association avec les polythéistes romains qui avaient conquis Israël, étant nommés par eux, et ce pour leur principal intérêt (cupidité, détournement d'argent, pouvoir, prestige, privilège du rang, etc.). Le Temple était corrompu bien plus par les Sadducéens que par les Pharisiens semble-t-il. Les deux partis se confrontant pour gérer le Temple. Les Esseniens (dont parle Paul quand il cite le culte des anges dans une de ses épitres) quand à eux, s'étaient retiré en jugeant cette gestion corrompu du Temple (qui était le centre de la vie d'Israël) et en formant une communauté très légaliste et très dure dans l'espoir de retrouver la sainteté et le vrai culte perdu. Et Jésus arriva... Jésus arriva, apportant un retour à ce qui était juste (reprenant, corrigeant, enseignant) mais sans légalisme, sans joug, en libérant, en guérissant, en bénissant, en aimant, en ôtant les fardeaux, en prenant soin des plus faibles avec affection, gentillesse, douceur, bonté. Il apporta la vérité et la grâce. Il n'attendait pas que le peuple qui aime Dieu le suive par lui-même dans sa création de l'Homme nouveau mais qu'il y parvienne en Lui - "Sans moi, vous ne pouvez rien faire" qui serve à bâtir la nouvelle création, qui serve à atteindre le but de Dieu dans sa création. Plus tard Paul dira : "C'est lui qui le fera." C'est là qu'est notre foi, en son oeuvre accomplie par le messie. Avec les Esséniens on voit l'Homme qui veut se sanctifier mais tombe dans le légalisme (et des inventions comme le culte des anges), de même avec les pharisiens on voit l'exigence, la dureté, le joug. Cela nous rappelle le fonctionnement d'assemblées d'aujourd'hui. Seul Ieshoua (Jésus) atteint le but de Dieu en conduisant l'Homme à la sanctification par la croix, dans la grâce. La grâce au moyen de la mort-résurrection, la croix : le chemin n'est pas un système religieux, répétitifs, actif, doctrinal, hiérarchique, "évangélique" mais la vie de Dieu en nous. Devenir un avec Lui comme il est dit : "Participant à la nature divine." Si on ne change pas de nature, on peut vouloir "faire pour Dieu" ou "faire avec Dieu", ça ne sert à rien, ça n'abouti pas au Royaume de Dieu.
Didier Millotte PS 1 : Si on relit Jean chapitre 10 en ayant conscience de ce contexte lié au Temple, au passé d'Israël, à la vie religieuse d'Israël de l'époque des évangiles, si on replace Jean 10 dans son contexte historique, local et religieux en rapport avec la révélation de YHWH à Moïse, David, Salomon, on peut se demander si Jésus ne parlait pas de ces chefs corrompus qui dirigeaient le peuple (dans le Temple, dans les sacrifices, dans l'adoration de YHWH, dans les fêtes). quand il dit "le voleur" au verset 10, quand il parle de celui qui n'entre pas par la porte au verset 1, quand il parle du mercenaire au verset 12, Jésus parlerait-il des Sadducéens, des Pharisiens, des dirigeants du Temple de YHWH ? Et quand il parle du loup au verset 12, ne parlerait-il pas de Rome (rappelons que la louve est le symbole de la fondation de Rome) qui finira par détruire Jérusalem et le Temple ? "Le voleur ne vient que pour... détruire." v. 10. Plutôt qu'une lecture "spirituelle" voire mystique qui identifie "le voleur" de Jean 10 à un ange déchu (le terme angelos n'a pas été traduit, sa vraie traduction est "messager", voir mon article sur les mots non-traduits), nous devrions replacer les enseignements dans leur contexte concret.

PS2 : Pour ceux qui veulent connaître précisément ces points concernant l'époque de la fin du second temple, je conseille la lecture des livres de l'historienne juive Jacqueline Guénot-Bismuth et du remarquable théologien Claude Tresmontant, notamment dans son livre sur l'Apocalypse.
Pour ce qui est de la nouvelle création, de l'union avec Dieu en christ, je conseille de lire les épitres de Paul, les livres de T. Austin-Sparks et d'écouter les conférences de Serge Tarassenko (liens dans la colonne de droite).

vendredi 3 novembre 2017

La cité des versets

Nous participons souvent à des discussions sur les réseaux sociaux, facebook, des blogs, en mettant des commentaires dans des discussions sur un sujet des Ecritures, sur l'Eglise, la vie spirituelle, etc. Beaucoup de commentaires, de débats, de discussions, de contradictions. Tout d'abord, j'aimerais rappeler combien c'est une chance pour tous de pouvoir s'exprimer, discuter, questionner, répondre, écouter, comprendre de nouvelles choses, entendre un point de vue différent de ce qu'on a l'habitude de nous dire et de pouvoir ainsi y réfléchir, découvrir un autre regard, avoir une explication plus précise, etc. Cela va nous enrichir, nous aider à mieux comprendre ce que la Bible enseigne à condition que nous restions dans un état d'esprit positif, gentil, étant à l'écoute, prenant le temps de lire, relire et réfléchir à ce qui est partagé. 

J'aimerais poser ici une réflexion concernant l'utilisation que l'on fait de la Bible, les citations de versets qu'on voit souvent dans des commentaires et dans les milieux évangéliques. D'abord, soyons bien conscient que les autres connaissent aussi bien que soi les textes et les citations qu'on peut faire de divers passages bibliques. Citer des versets n'explique rien. Partons plutôt de l'idée que l'autre les connaît déjà très bien. Cité un verset ne suffit pas parce qu'on peut ne pas avoir bien compris l'idée de l'autre, parce qu'on peut ne pas en avoir bien compris un verset, parce qu'on peut en tordre le sens en l'exprimant dans un contexte inapproprié. On utilise trop souvent des versets pour confirmer ce qu'on croit déjà au lieu de comprendre le sens d'un texte pour savoir ce qui est vrai, ce qu'il dit vraiment. 

Chaque verset à un contexte et le contexte donne sens au texte. Un verset n'a pas forcément le sens qu'on veut lui donner quand on le cite hors de son contexte et parfois nous lui donnons un sens contraire à ce que l'auteur a voulu dire. Par exemple : "Il n'y a rien de nouveau sous le soleil." a un sens par rapport à tout ce que veut exprimer l'Ecclésiaste. Cela ne signifie pas qu'il n'y a jamais rien de nouveau de manière absolue dans toute la création de Dieu de ses débuts à la fin. L'Ecclésiaste parle de la vie humaine, pas de l'oeuvre de Dieu dans sa totalité. Ainsi, Paul, qui connaissait bien ce texte lu dans les synagogues, pouvait dire : "L'important est d'être une nouvelle création..." Si Dieu ne faisait rien de nouveau il ne pourrait pas y avoir de nouvelle création. L'Ecclésiaste dit qu'il n'y a rien de nouveau dans la vie humaine dans le sens où tout les humains vivent les joies, les peines, les efforts, les blessures, les guerres, le travail, les désirs, depuis toujours. Mais chaque être humain qui naît est tout de même un être nouveau dans le monde. Si on guerre apparaît, c'est une nouvelle guerre pour ceux qui la vive mais ce n'est pas nouveau qu'il y ait des guerres dans l'Humanité. Il nous faut réfléchir à ce qu'on lit pour bien le comprendre, prendre le temps d'y réfléchir au lieu de répéter des versets tout le temps, se demander ce que cela signifie, ce que l'auteur a bien voulu dire par là à ce moment là et si cela concerne tout ou seulement un aspect des choses, celles dont traite le passage en question. 

Autres exemples, ce que j'appelle les contre-points : On entend souvent : "Soyez comme de petits enfants..." mais on entend rarement "Soyez des Hommes adultes" (1 Corinthiens 16;13). Il est écrit : "Sans moi vous ne pouvez rien faire." mais aussi : "Faites tout vos efforts." Il est écrit "La connaissance enfle..." (ce qu'on entend souvent pour dénigrer l'intelligence et la connaissance alors que Dieu nous encourage à l'intelligence et à la connaissance - Regarder tous les versets des Psaumes et des Proverbes qui concernent l'intelligence) mais aussi "Donne-moi l'intelligence pour que je comprenne tes commandements." (Ps 119) et "La sagesse appartient à l'Homme intelligent." (Prov. 10;23). Il vaut mieux comprendre le sens de l'ensemble des Ecritures plutôt que connaître certains versets par coeur et de les utiliser sans discernement. La Bible n'a pas été écrite avec des versets à citer mais pour exprimer une pensée complète, profonde, subtil et riche. Il nous faut sortir d'un schéma trop simpliste, d'une lecture trop littérale, au premier degré. L'esprit plutôt que la lettre.

A ce sujet je vous conseille vivement de lire le chapitre 6 du livre de Frank Viola sur l'utilisation des Ecritures. C'est très éclairant et édifiant.